8 février 2014 à 20:24
Mayotte, plus JEUNE département de France...
Mayotte est le plus jeune département de France, avec la moitié de ses habitants qui a moins de 17 ans et demi (moins de 39 ans en Métropole), ou 60% qui ont moins de 20 ans, rappelle le recensement conduit par l'insee en 2012 et dont les résultats détaillés ont été présentés ce jeudi.
Mais ce document, essentiel à une meilleure connaissance et compréhension de l'île, indispensable pour préparer l'avenir, met aussi en avant que c'est très largement le département le plus pauvre, celui avec le plus mauvais niveau scolaire et d'études : 71% de la population n'ont pas de diplôme qualifiant et un tiers des Mahorais de plus de 15 ans n'a jamais été scolarisé. Mayotte Hebdo a longtemps parlé de “générations sacrifiées". On a, grâce aux détails du recensement de l'insee, des chiffres terribles à mettre en face. Les besoins en formation sont énormes.
Le résultat est simple : 54% des habitants de 15 à 64 ans sont inactifs - un record - et 19.000 se déclarent chômeurs, soit une fois de plus un record de France avec le plus fort taux de chômage à 36,6% de la population active.
De plus, 53% des salariés travaillent dans le secteur public, un taux spectaculairement haut qui met en avant une économie sous perfusion des transferts publics et une activité privée réduite à presque rien.
Mayotte, c'est aussi le territoire où 30% des habitants n'ont pas d'eau courante. Ils étaient 70% en 2007... Il faut déceler les avancées, les progrès, il y en a, mais 30% des logements -peut-être les mêmes- sont encore "en tôles" et 60% ne disposent pas de toilettes, ni de douche.
Enfin, pour avoir une visibilité assez complète sur la population de l’île, il faut relever que la moitié des habitants de Mamoudzou, Koungou... et Ouangani sont des étrangers, alors qu'entre les deux derniers recensements, 14.900 personnes nées à Mayotte ont quitté l'île. Ils sont 85.000 étrangers sur l'île en 2012 (75.000 au recensement précédent de 2007), soit 40% de la population de Mayotte. Ils sont à 95% Comoriens, dont 33.000 sont nés en France. Une partie vit ici en règle, parfaitement intégrée, avec une carte de séjour, mais la très large majorité vit sur le territoire mahorais dans l'illégalité, clandestinement, avec tous les soucis que cela entraîne en termes d'urbanisation sauvage, de risques, de santé publique, de travail non déclaré et donc de concurrence déloyale aux entreprises en règle. Cela génère des soucis dans les prévisions de scolarisation, de dimensionnement des équipements publics en général, et les moyens à y consacrer. Et faute de revenus légaux, par le travail ou sociaux, pour se loger et se nourrir notamment, il est logiquement recouru à d'autres moyens pour assurer sa subsistance.
Les chiffres détaillés du recensement d'août 2012 - qu'il a fallu attendre depuis... - mettent en exergue les nombreuses difficultés auxquelles notre île est confrontée, les retards dramatiques qui se sont accumulés. Cela montre, si besoin était, l'ampleur du chantier à mener à Mayotte pour améliorer la qualité de l'habitat, le niveau de l'éducation, de la santé.
Avec des données chiffrées, des arguments humainement imparables, il faut urgemment sensibiliser, mobiliser les ministères concernés sur les réflexions, moyens et actions nécessaires à mettre en œuvre pour résoudre ces problèmes, mais aussi la clandestinité, phénomène inédit par son ampleur, ou l'insécurité grandissante, germe de très graves soucis à venir.
Alors que les collectivités locales sont saturées de personnels sans qualification, incapables d'assurer pleinement leurs missions qui s'étoffent, malgré des besoins croissants des citoyens, l’île a clairement besoin d'engager son développement économique, d'attirer des investisseurs locaux ou extérieurs, de créer des emplois, et ce sera essentiellement dans le privé. On ne peut plus repousser tous les projets hôteliers, les projets d'aménagements importants, les projets de routes par les hauteurs, les rocades, la piste longue...
Refaire quelques rues, des trottoirs et des caniveaux est une très bonne chose, tant nécessaire, même si c'est surtout à l'approche des élections... Mais les enjeux pour Mayotte se situent bien au-delà, il faut de l'ambition. L'île a besoin, face aux nombreux problèmes évoqués et à cette jeunesse qui arrive massivement, de noms à toutes ses rues, de plans d'urbanisme respectés, de services publics efficients, de propreté, de soutiens aux initiatives privées, d'appuis aux entreprises locales, de sécurité, d'attractivité. Cela créera la richesse nécessaire et appuiera les fonds de solidarité nationale ou européenne. Ce ne sera qu'à ce prix que l'île pourra espérer offrir un avenir plus serein à une partie de ses enfants, faute de quoi ils continueront de partir par vagues entières, abandonnant ici leurs anciens, leurs cultures et leur Histoire. Abandonnant leur île à un destin incertain.
Mayotte est jeune, beaucoup disent que c'est un atout. Mayotte dispose d'un lagon magnifique. Mayotte est swahilie, malgache, musulmane. Mayotte est française, européenne. Mayotte compte de plus en plus de gens motivés, talentueux, compétents. Mayotte peut relever ces défis. Il faut juste de l'ambition, du travail et une solidarité des différents acteurs.
Laurent Canavate
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